Immersion dans le Nouchi, langage très prisé par la jeunesse ivoirienne. Qui au fil des années et des générations est en passe de devenir un mode de communication nationale.
Ce vocabulaire typiquement made in Côte d’Ivoire s’exporte aussi bien que le bon cacao ivoirien. Là nous ne sommes pas dans les rues de Marcory ou de Yopougon, mais en pleine capitale tunisienne, où la communauté ivoirienne est des plus présentes.
Dans un langage bien codé où français et langues maternelles se mixent parfaitement dans un jeu de mots dont eux seuls ont le secret. Sacrés ivoiriens, toujours avec cette fertilité imaginaire et leurs sens de l’humour légendaire, capable de tourner à la dérision même les douleurs les plus atroces et les sujets les plus sensibles. Comme à Paris, ils aiment bien le dire je vais au « Djossi » à Tunis ont dit plutôt je vais faire mon « Manawa ». Un mot bien original qui désigne toutes activités d’ouvriers ou de manœuvres. Est-ce une forme voilée de dire qu’ils travaillent au noir et dans des conditions difficiles avec des salaires de misère ?

La plupart se tapent dix heures de travail pour 15 voire 20 dinars tunisiens la journée, sur des chantiers de constructions, dans les fermes, les stations de lavages d’autos, ils sont de plus en plus présent dans plusieurs secteurs d’activités, au point de devenir une main-d’oeuvre préférentielle pour des entrepreneurs tunisiens à la recherche de bras valides et courageux. Les plus privilégiés font la plonge et le service dans les cafés ou fast-food.
Le vieil adage qui dit bien « qu’il n’y a pas de sot métier » ne s’adresse pas forcement à ces personnes qui font le Manawa en Tunisie, elles ont un travail qu’elle considère temporaire et non un métier d’avenir. Pris dans un engrenage, les pieds bien embourbiez dans cette Tunisie, qui leur avait été présentée comme étant le nouvel Eldorado et surtout que tu pouvais travailler ici et passer tes vacances en Europe, entre espoirs et employeurs peu corrects, des rêves se brisent et des âmes se meurent.
« Tout le quartier pense que je suis sur le being (Europe) donc forcé moi je dois couper, Manawa de tunisien c’est souffrance seulement » Lasso
Comme Lasso, ils sont nombreux dans cette situation, qui vendent des illusions à la famille et aux amis restés au pays, car pour beaucoup d’entre eux l’aventure rime forcement avec succès et fortune. Entre-temps la Tunisie continue à ignorer cette main-d’œuvre importante qui ne demande que d’être inséré dans le tissu socio-économique et que leurs droits soient respectés par ces employeurs, qui sollicitent une main-d’œuvre moins chère et vulnérable.
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Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’UGTT
Rappelons que le 4 juillet 2019 lors d’une cérémonie, Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’UGTT (Union général tunisien du travail) avait déclaré ceci « les travailleurs migrants subsahariens se comptent aujourd’hui par milliers en Tunisie, et travaillent dans divers secteurs, allant de l’agriculture à la construction. Des cartes d’adhésions symboliques leur sont délivrées .»
Un travailleur non déclaré, est un immigré en situation irrégulière qui croupit sous le poids des pénalités, vivant au quotidien avec la hantise de tomber sur un contrôle de police. Une année s’écoule, puis deux et trois, l’étau se resserre et le choix de la traversée de la Méditerranée s’impose.
Dobe Aboubacar
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